“Respectez notre existence ou attendez-vous à de la résistance”, scandent les autochtones canadiens qui se préparent à une confrontation avec le Premier ministre Harper le 11 janvier.

Le soulèvement des "Indiens" du Canada déclenché par la grève de la faim de la Chef d’Attawapiskat, Theresa Spence, sur la minuscule île « Victoria » près de la Colline du Parlement à Ottawa, - qui dure depuis trois semaines- est en fait la dernière tentative des peuples colonisés de la planète pour essayer de se libérer de l’impérialisme. C’est un évènement exaltant et de première importance pour nous tous.

Leur combat rappelle celui des musulmans égyptiens qui luttent contre ceux qui veulent les occidentaliser et la vieille garde moubarakiste, depuis la révolution de janvier 2011, ou celui des autochtones palestiniens contre le vol de leur terre par Israël. Il est aussi dans la droite ligne de la lutte du peuple iranien contre l’acharnement subversif de l’Occident. Ce n’est pas un hasard si des Egyptiens du Caire sont venus aux manifestations devant les ambassades canadiennes, ni si le leader militant autochtone, Terrance Nelson, a récemment été soutenu par Téhéran dans son effort pour obtenir un siège à la table de l’OPEC pour les véritables propriétaires des ressources en pétrole et en gaz du Canada.

La lutte dure depuis plus de deux siècles. Au Canada, elle a vraiment commencé au 19ème siècle quand les colons se sont mis à arriver en masse et que le vol de la terre s’est accéléré. En Egypte, elle a commencé en 1789 avec l’invasion de Napoléon et elle s’est accentuée en 1875 quand le Premier ministre britannique, Benjamin Disraeli a « acheté » le Canal de Suez – qui a coûté la vie à des dizaines milliers de travailleurs égyptiens engagés. En Iran, la lutte a aussi commencé au début du 19ème siècle, quand la Russie s’est emparée du nord de l’Iran (qu’on appelle aujourd’hui Azerbaïdjan) et elle a pris de l’ampleur quand Reuter et d’autres hommes d’affaire ont soudoyé le Shah pour obtenir des concessions lucratives. La Palestine, quant à elle, est au centre d’une lutte anti-impérialiste depuis que les puissances occidentales ont imposé illégalement un  tat juif au coeur du monde musulman.

Les autochtones du Canada se sont battus pour leur terre, mais ils ont été submergés par les colons avides de terre ; aujourd’hui ils ne représentent plus que 3% de la population canadienne et ils sont obligés de passer leur vie, une vie courte et amère, dans les lambeaux de terre que les vainqueurs leur ont laissé et le plus souvent dans une profonde misère.

Mais la résistance est vivante et vivace. "Idle no more "  (Jamais plus passifs) se propage rapidement au Canada depuis que Spence a planté sa tente près de la colline du Parlement. Les Egyptiens se sont soulevés quatre fois depuis le coup de main de Disraeli, et ont réussi à reprendre le Canal et aujourd’hui ils élaborent un nouvel ordre politique qui n’est pas subordonné aux diktats impérialistes, mais d’inspiration coranique. L’Iran a aussi eu sa révolution en 1979 et a affronté le monstre impérialiste depuis lors en disant leur fait à ceux qui prétendent être les maîtres du monde.

Les machinations des impérialistes n’avaient toutes qu’un seul but : voler la terre d’autres peuples et lier de force leurs économies à un ordre mondial régi par leurs fusils et leur argent. Ils possèdent toutes sortes d’armes, y compris la bombe atomique qui peut détruire plusieurs fois toute vie sur terre; leur dernière invention, les drones armés, larguent des bombes antibunker à l'uranium "appauvri"  (dont l’irradiation est garantie pour des centaines de milliers d’années).

La dernière trouvaille de l’impérialisme post-moderne, c’est de prétendre lutter pour les « droits humains » et contre les armes de destruction massives (ADM) et le terrorisme. Mais c’est encore un subterfuge comme on l’a vu avec l’invasion de l’Irak (et celles qui sont prévues en Iran et en Syrie) au prétexte d’éradiquer les ADM. Au contraire, des centaines de milliers d’innocents ont été tués par les invasions dirigées par les USA sans que personne n’ait eu de comptes à rendre, sans qu’on ait trouvé d’ADM et sans qu’on en voie la fin.

Les flagrantes violations israéliennes de toutes les normes internationales restent tout aussi impunies, et sont même financées par les USA et soutenues avec enthousiasme par le Canada.

L’impérialisme est bien vivant et florissant et le Canada a bien de la chance qu’au moins une voix se lève dans le pays pour dire la triste vérité aux autres Canadiens et au monde entier. La sonnette d’alarme a retenti l’année dernière pour Harper quand le leader militant autochtone Terrance Nelson s’est rendu à Téhéran en dépit de la rupture, arbitrairement décidée par les Conservateurs, des relations diplomatiques avec l’Iran en novembre dernier. Nelson a été qualifié de traître, et pourtant les Canadiens devraient voir clairement qui brade la souveraineté du Canada et notre réputation.

Theresa Spence, la chef d’Attawapiskat, a suivi l’exemple de quatre femmes autochtones de Saskatoon qui ont commencé une grève de la faim en novembre dernier pour protester contre le projet de loi C-45 d’Harper qui :
Abroge l’Indian Act et met fin à la souveraineté indienne,
Donne aux Conseils de bande* des pouvoirs municipaux accrus,
Transforme les réserves en « propriétés en fief simple » (qu’on peut acheter et vendre, pas seulement louer),
Autorise les nouveaux gouvernement autochtones à lever des impôts.

Les deux camps sont en ordre de bataille. le camp Harper se mobilise pour faire passer la loi. Dans un commentaire sur le Traité de 1905 qui gouverne Attawapiskat, le journaliste du National Post, Jonathan Kayse, a écrit : « Tout le fondement du Traité est caduc depuis que les peuple autochtones ont dû renoncer à la chasse. C’est pourquoi les revendications d'Idle No More sur le Traité n’ont pas de sens : le grand défi du 21ème en ce qui concerne les peuples autochtones sera de les intégrer dans l’économie plus large des centres de population canadiens. On ne peut pas revenir à 1905 ni même à 1930. » La seule réponse, l’assimilation, vise à pousser ce qui reste de nations indiennes dans des ghettos urbains où elles pourront végéter comme d’autres Canadiens grâce à l’assistance publique.

Le journaliste du Globe and Mail Jeffery Simpson reproche aux autochtones de « vivre intellectuellement dans un palais de rêves », construit sur « le mythe de la protection de l’environnement et des liens sacrés des Indiens avec leur terre. » Selon lui, Harper a eu raison de refuser un entretien face à face avec le chef indien car un Premier ministre canadien ne doit pas être contraint par le « chantage » à faire tout ce que les lobbys et les individus veulent.

En tant que chef d’une nation autochtone dévouée à son peuple, c’est Spence, "la membre d’un lobby" qui est la leader canadienne la plus légitime et pas Harper, un manipulateur avide de pouvoir qui s’est taillé un chemin vers le sommet du parti réformiste/conservateur à coups de promesses non tenues et de mensonges.

Les « actions dispersées » dont Simpson se moque, s’organisent spontanément du Pacifique à l’Atlantique: des manifestants indiens bloquent le passage des trains, organisent des flash-mobs dans les centres commerciaux, obstruent les ponts qui séparent le Canada des USA. Des manifestations de soutien se tiennent dans le monde entier – Palestine, Le Caire, Londres, USA, Aotearoa (Nouvelle-Zélande).


Malgré le mépris affiché par les médias, les manifestants ont suscité une vive sympathie chez les Canadiens autochtones et autres. Charlie Angus, député du Nouveau Parti Démocratique, a rendu visite à Spence dans sa tente, de même que Justin Trudeau**: « Ma rencontre d’aujourd’hui avec la Chef Theresa a été très émouvante . Elle est prête à tout sacrifier pour son peuple. Elle ne devrait pas avoir à en arriver là. »

La lutte a vite été rejointe par les chefs de bande* qui s’efforcent d’organiser la résistance. Shawn Atleo, président de l’Assemblée des Premières Nations, a appelé à une nouvelle campagne de désobéissance civile le 16 janvier pour occasionner "des perturbations économiques dans tout le pays" et formuler des déclarations sur la « rupture du Traité ». Les protestations devraient culminer avec le Rassemblement Couronne-Premières Nations du 24 janvier qui sera organisé sur le modèle de celui de l’année dernière grâce auquel les médias ont pris connaissance des épouvantables conditions de vie de la réserve d’Attawapiskat.

Idle No More pourrait bien avoir un effet de catalyseur et engendrer une lutte plus intensive contre le projet de Harper qui vide les lois qui protègent l’environnement de leur contenu, et contre la dégradation des droits humains au Canada. Harper a accepté à contre-coeur de rencontrer les dirigeants autochtones mais c’est peut-être déjà trop tard pour lui. Laisser une dirigeant autochtone mourir de faim au coeur de la démocratie canadienne, et en plus à Noël, n’est pas une bonne chose pour les relations publiques d'un leader au pouvoir fragilisé. Spencer a accepté de le voir mais elle refuse de mettre fin à la grève de la faim qu’elle a commencée le 11 décembre tant qu’elle n’est pas certaine qu’il ne s’agit pas seulement d’une manoeuvre dilatoire. Elle tient absolument à ce que David Johnston, le Gouverneur Général, et Dalton McGuinty, le Premier ministre de l’Ontario, soient présents à la rencontre.

Le Canada se rachète en tous cas aux yeux du monde, après sept humiliantes années de soumission à l’agenda israélo-US à l’intérieur comme à l’international, grâce aux premières  nations dont la détermination est un « canal pour la souffrance du monde » comme le dit Naomi Klein. Idle No More est le porte-parole de tous les Canadiens qui se dressent contre les 1% qui bradent sans scrupule les ressources du Canada et salissent sa réputation au plan international. « La souveraineté autochtone est en elle-même notre meilleur atout. Si les Canadiens ont une chance d’éviter qu'Harper transforme la planète en poubelle, ce sera parce que les droits jurdiquement contraignants des Premières Nations - appuyés par des mouvements de masse, des recours judiciaires, et des actions directes - l’en empêcheront. »

Non seulement les peuples autochtones du Canada donnent de la force et des armes à tous les Canadiens contre les 1% mais ils nous aident à comprendre l’influence que peut avoir le Canada sur la Palestine et l’Iran, deux pays dont les peuples aiment le Canada et soutiennent nos peuples autochtones qui luttent comme eux contre l’impérialisme. Toutes les victoires que nous remportons contre notre Moubarak canadien, aident les Egyptiens à secouer le joug du néolibéralisme, renforcent les Palestiniens dans leur combat contre les colons juifs en Israël, et rendent service aux Iraniens qui meurent dans les hôpitaux faute de médicaments à cause de l’embargo qui a pour but de détruire leur indépendance.

*Le Conseil de bande est un organisme privé, entièrement autonome qui doit respecter certains règlements et dispositions de la Loi sur les Indiens. Des pouvoirs lui sont conférés, entre autres, dans les domaines de l'éducation, des services sociaux et de la santé, etc. Ces pouvoirs touchent également l'adoption de règlements administratifs dans divers domaines. La bande est une subdivision de la tribu. Bien qu'il s'agisse d'un calque de l'anglais, le terme bande est très largement utilisé. [Définition officielle, Thésaurus de l'activité gouvernementale, Gouvernement du Québec, NdE]

** Justin Trudeau, fils de l'ancien Premier ministre Pierre-Elliot Trudeau, est député libéral de papineau à la Chambre des communes depuis 2008 [NdE]

Translated by  Dominique Muselet
Edited by  Fausto Giudice Фаусто Джудиче فاوستو جيوديشي

http://www.oulala.info/2013/01/

http://www.pressegauche.org/
http://www.financite.be/
http://www.letemps.ch/

http://www.legrandsoir.info/les-indiens-du-canada-respectez-notre-existence-ou-attendez-vous-a-de-la-resistance.html

http://tlaxcala-int.org/article.asp?reference=8994

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Canadian Eric Walberg is known worldwide as a journalist specializing in the Middle East, Central Asia and Russia. A graduate of University of Toronto and Cambridge in economics, he has been writing on East-West relations since the 1980s.

He has lived in both the Soviet Union and Russia, and then Uzbekistan, as a UN adviser, writer, translator and lecturer. Presently a writer for the foremost Cairo newspaper, Al Ahram, he is also a regular contributor to Counterpunch, Dissident Voice, Global Research, Al-Jazeerah and Turkish Weekly, and is a commentator on Voice of the Cape radio.

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